CJC 2021

Colloque Jeunes Chercheurs 2021

Image credit: ADRIPS

Abstract

L’approche/évitement est une réponse importante pour un organisme. Face à un danger, par exemple, il est important de mettre en place une réponse d’évitement. Il est notamment reporté dans la littérature que les participants sont plus rapides dans une condition compatible où leur tâche est d’approcher des stimuli positifs et éviter des stimuli négatifs, en comparaison à une condition incompatible où leur tâche est d’approcher des stimuli négatifs et d’éviter des stimuli positifs (e.g., Solarz, 1960). Récemment, une nouvelle tâche (i.e., la VAAST ; Rougier et al., 2018) simulant visuellement des mouvements d’approche et d’évitement du corps dans son ensemble a été proposée. Cette tâche a permis d’observer des effets de compatibilité de grandes tailles et réplicables. Le raisonnement théorique ayant permis l’élaboration de cette tâche était appuyé sur une vision incarnée de la cognition. Selon cette approche, notre système cognitif garderait la trace des activations sensorielles lors de nos expériences passées et permettrait leur réactivation dans une situation ultérieure (Versace et al., 2014). Par exemple, lors d’une expérience passée où l’on avait évité un serpent en faisant quelques pas en arrière, un flux visuel d’évitement (e.g., réduction de la taille du stimulus sur la rétine) devrait être encodé et pourrait donc être réactivé lors de la présentation ultérieure d’un autre serpent. Une des limites de l’application de ce raisonnement théorique aux études de Rougier et al. (2018) provient de la nature des stimuli utilisés. En effet, des mots valencés (e.g., bonheur) étaient présentés en faisant l’inférence que le plus souvent les participants approchaient les stimuli positifs et évitaient les stimuli négatifs. Néanmoins, il n’y avait pas de manière de contrôler si les stimuli présentés avaient effectivement été approchés ou évités par le passé. En raison de cette limite, l’objectif de la présente étude était de s’affranchir de cette inférence en manipulant de manière expérimentale les expériences d’approche et d’évitement de stimuli nouveaux. Ceci apporterait un soutien plus direct à l’approche incarnée en s’affranchissant de l’inférence mentionnée.

Pour ce faire, nous avons conduit une étude impliquant 158 participants. Cette étude a fait l’objet d’une analyse séquentielle des données (Lakens, 2014) avec une analyse des données intermédiaire. Cette étude était décomposée en deux phases : une phase d’entrainement à l’approche/évitement et une phase de mesure des tendances à l’approche/évitement. Lors de la première phase, les participants approchaient de manière répétée cinq stimuli nouveaux appartenant à un groupe et évitaient cinq stimuli d’un autre groupe. Dans une seconde phase, les participants prenaient part à une version incidente de la VAAST : les stimuli précédemment approchés ou évités étaient présentés en amorce pendant une durée de 200ms, puis après 100ms un carré ou un losange était présenté. Les participants devaient approcher ou éviter la forme géométrique, par exemple approcher les carrés et éviter les losanges. Le plan expérimental de cette étude était donc un plan factoriel 2 (type d’amorce : précédemment approchée vs. précédemment évitée) x 2 (mouvement : approcher vs. éviter) intra-participants et le temps de réponse constituait notre variable dépendante. Nous nous attendions à un effet d’interaction entre le mouvement et le type d’amorce : les participants devraient être plus rapides respectivement pour approcher et éviter après qu’un stimulus précédemment approché et évité ait été présenté plutôt que l’inverse. Une vidéo de la procédure complète ainsi que le script E-Prime sont disponibles à l’adresse OSF ci-dessus. Après exclusion de trois participants déviants et correction de la p-valeur pour analyse séquentielle, une ANOVA à deux facteurs intra-participants a révélé un effet d’interaction significatif entre le mouvement et le type d’amorce, t(154) = 5.22, p = .025, dz = 0.42, IC 95% [0.25 ; 0.58]. Lorsque les trois participants déviants sont inclus dans l’analyse, les résultats sont similaires. Conformément à notre hypothèse, les participants étaient plus rapides pour s’approcher lorsque l’amorce avait précédemment été approchée et pour éviter lorsque l’amorce avait précédemment été évitée plutôt que l’inverse. Les données brutes et le script d’analyse des données sont disponibles sur OSF.

Cette première étude nous permet donc d’observer que le simple fait d’avoir précédemment approché ou évité des stimuli nouveaux permettait d’être ultérieurement plus rapide pour réaliser la même action que l’action opposée. Une des limites de cette première étude était cependant que les consignes portaient directement sur les stimuli d’intérêt. Nous avons donc conduit une deuxième étude en rendant la phase d’entrainement à l’approche/évitement incidente. Plus précisément, les consignes portaient cette fois sur la couleur des stimuli et non plus sur leur groupe d’appartenance. Chaque groupe de six stimuli était associé à une couleur, tout en associant un stimulus de chaque groupe à la couleur de l’autre groupe pour que les participants ne puissent pas recoder les consignes. Soixante-dix-neuf participants ont pris part à cette étude qui était également préenregistrée et faisait l’objet d’une analyse séquentielle des données. Le plan expérimental de cette étude était identique à celui de l’étude précédente et nous faisions à nouveau l’hypothèse d’un effet d’interaction similaire à celui de l’étude précédente. Après l’exclusion de deux participants déviants, une ANOVA à deux facteurs intra-participants a révélé un effet d’interaction significatif, t(76) = 2.676, p = .009, dz = 0.30, IC 95% [0.08 ; 0.53]. Lorsque ces deux participants sont inclus dans l’analyse, les résultats sont similaires. Les participants étaient à nouveau plus rapides pour approcher les stimuli précédemment approchés et éviter les stimuli précédemment évités plutôt que l’inverse.

Les résultats de ces deux études montrent qu’avoir approché ou évité des stimuli nouveaux de manière répétitive peut nous amener à être plus rapides pour effectuer la même action que l’action opposée lorsque ces stimuli sont présentés à nouveau. Cette idée permet donc de soutenir une approche théorique incarnée sans la nécessité de faire une inférence quant aux stimuli présentés aux participants. De plus, le caractère incident de la mesure des tendances à l’approche/évitement ainsi que de l’entrainement de la seconde étude suggèrent une certaine automaticité des processus sous-jacents.

Date
Jun 24, 2021
Location
Clermont-Ferrand (France)
Yoann Julliard
Yoann Julliard
Post-Doc

My research interests include ‘implicit’ processes, grounded cognition, methods, and data analysis.

Related